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L'encyclopédie italienne : Tazzioli

Tout au long du 20ème siècle en Europe, on a assisté à la naissance ou au renouvellement de projets encyclopédiques à vocation nationale. Cela s'est particulièrement manifesté dans l'entre-deux-guerres, notamment dans des États nouvellement créés à la suite de la Première Guerre mondiale, comme la Tchécoslovaquie, ainsi que dans des pays où les régimes politiques autoritaires favorisaient une nouvelle culture nationale, à l'image de l'Union Soviétique et de l'Italie.

Le cas de l'Enciclopedia Italiana (EI), créée par l’entrepreneur Giovanni Treccani à Rome en 1925, en plein contexte fasciste, constitue un sujet d'étude enrichissant qui permet de mieux saisir la formation du patrimoine mathématique italien entre les deux guerres mondiales. Au cours de notre recherche, nous avons identifié plusieurs aspects significatifs qui ont influencé à la fois l’organisation de l’EI et le contenu des différentes sections.

Tout d'abord, il convient de souligner l’importance des relations entre les acteurs impliqués. Par exemple, le lien à la fois personnel et scientifique entre Federigo Enriques, responsable de la section Mathématique de l’EI, et le philosophe Giovanni Gentile, directeur scientifique de cette institution culturelle étroitement associée à Mussolini, est à la fois complexe et parfois contradictoire.

En premier lieu, nous soulignons l’importance des relations entre les acteurs impliqués. Leurs contrastes remontent au début du XXe siècle, car Enriques s'opposait à l'idéalisme de Croce et Gentile en proposant une « philosophie scientifique ». Le débat a donné lieu à des polémiques amères conduisant à une nette séparation entre la culture scientifique et humaniste, cette dernière l'emportant sur la première. Malgré leurs idées contrastées, les deux intellectuels ont partagé l'importance de la « méthode historique » qui donne un rôle central à l’histoire des mathématiques.

En effet, les « normes éditoriales » d'Enriques pour la section « Mathématiques » traduisaient assez fidèlement les instructions générales de Gentile.  En tant qu'exemple, nous énumérons ci-dessous quelques « Règles », rédigées par Enriques lui-même 1:

« 1. Clarifier les problèmes fondamentaux des mathématiques pour les non- mathématiciens [...]

2. Expliquer également aux spécialistes des problèmes mathématiques [...] l'origine, la position et les connexions mutuelles des problèmes de manière synthétique et succincte [...]

3. Fournir aux uns et aux autres [spécialistes et non-spécialistes des problèmes mathématiques] des informations historiques dans le but d'illustrer le développement des idées et - si nécessaire - de relier le domaine de la culture et de l'activité des mathématiciens avec les autres domaines de connaissance. »


En conséquence de ces principes, Enriques demandait aux collaborateurs « d'écrire de manière inductive et historique, de sorte que les concepts et les problèmes généraux soient expliqués dans leur genèse et leur développement. »

 

Un autre élément intéressant concerne les interactions entre les diverses sections de l’EI. En effet, Enriques a dû faire face à plusieurs défis avec les sections Physique et Ingénierie dont les responsables étaient respectivement Michele La Rosa et Ferdinando Lori.

En particulier, La Rosa s'opposait à la « nouvelle physique », et en particulier à la théorie de la relativité et à la théorie quantique.
Les principaux contrastes concernaient les entrées de Mécanique Appliquée, réclamées à la fois par les mathématiciens et les ingénieurs, ou les entrées de Physique, comme la théorie de la relativité dont les principaux spécialistes étaient des mathématiciens.

 

Des discussions ont eu lieu pour mieux explorer les limites et les responsabilités des différentes sections. Finalement, les entrées de physique mathématique sont restées dans les sections mathématiques ou physiques, en faisant parfois des distinctions artificielles entre « pur » et «appliqué ». Par exemple, dans une lettre à Enriques en date du 17 juin 1926, Luigi Fantappié écrivait : « J'ai envoyé au prof. Lori trois exemplaires de nos programmes pour les entrées : Cinématique (pure), Dynamique (pure), avec les enveloppes déjà préparées pour les professeurs Parvopassu, Colonnetti et Ricci, qui avaient plus d'intérêt à les connaître pour rédiger les entrées Cinématique Appliquée, Dynamique Appliquée, Mécanique Appliquée, Statique. »  2

 

En conséquence, de nombreuses entrées scientifiques, aujourd'hui considérées comme appartenant à la physique ou à l’ingénierie, étaient considérées « pures ». Cet aspect a contribué à donner aux mathématiques l'image d'un outil extrêmement efficace.

 

De plus, une analyse approfondie du contenu mathématique révèle une forte présence des mathématiciens italiens à la fois dans les entrées telles que « Géométrie », « Fonction », « Point »..., et dans les entrées biographiques. Par exemple, dans l’entrée « Géométrie», le paragraphe dédié à la « Géométrie non euclidienne» met en lumière les contributions de Pietro Antonio Cataldi et de Vitale Giordano Bitonto, aux côtés d'autres figures renommées telles qu'Euclide, Saccheri, Wallis, Lambert, Legendre, Gauss, Lobachevskij, Bolyai, Riemann, Beltrami, Hilbert, Klein, et Cayley. À titre d’exemple, Helmholtz et Lie ne sont pas mentionnés. À l’exception de Beltrami, les autres italiens cités ne sont que des précurseurs des géométries non euclidiennes. Dans l'ensemble, cela révèle une tendance vers un nationalisme culturel, soutenu par le régime fasciste, qui se traduit par une valorisation excessive des mathématiques et des mathématiciens italiens.

 

Pour conclure, il serait judicieux d'approfondir d'autres aspects afin de mieux évaluer l'impact de la politique sur la réalisation de l'Encyclopédie ainsi que sur son contenu. Par exemple, il est essentiel de souligner le rôle crucial de la maison d'édition et sa collaboration avec les institutions publiques et politiques 3 . De plus, l'analyse de données statistiques telles que le nombre d'auteurs étrangers et/ou le nombre d'étrangers parmi les auteurs peut s'avérer significative dans un contexte de régime autoritaire à vocation nationaliste.

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