Axe I : Dynamiques patrimoniales et communautés
En analysant des dictionnaires et encyclopédies spécifiquement dédiés aux mathématiques ainsi que l’insertion des mathématiques dans des publications de ce type destinées à des publics spécifiques (ingénieurs, artisans, femmes, etc.) ou à un large public, en France comme à l’étranger, le projet vise à identifier et à répertorier, notamment au moyen d’une base de connaissances bibliographiques et biographiques, des ensembles patrimoniaux variés selon les époques et les espaces géographiques et/ou socio-professionnels. La mise en commun des dépouillements et des premiers résultats permettra, dans une approche d’histoire croisée, d’examiner les recoupements et les formes de circulations des savoirs des uns aux autres, pour comprendre comment un patrimoine initialement localisé peut être diffusé, mais aussi évoluer (d’un usage effectif à une mise en valeur muséale, par exemple) ou disparaître. L’étude accordera une attention particulière au rôle des rouages éditoriaux dans ce processus (acteurs de l’édition, maîtres d’œuvre des projets, choix des auteurs, arbitrages liés à la constitution des appareils critiques, traductions).
Axe II : Patrimonialisation par sélection et accumulation : supports, lieux, acteurs
Le projet propose une histoire par le bas [d’Enfert 2012] des formes de patrimonialisation des mathématiques, visant à restituer les interactions des logiques individuelles, collectives et institutionnelles. L’enquête portera ici sur des formes de patrimonialisation procédant de la sélection et de l’accumulation de textes mathématiques existants (bibliothèques, collections, répertoires bibliographiques). Elle permettra de saisir dans un même mouvement les processus de constitution de patrimoines (sélection, contraintes, classement, inventaires), les enjeux de ces initiatives (préservation, transmission, délimitation de domaines) et leurs usages (apprentissage, construction de nouveaux savoirs, mémoire).
Axe III : Légitimations patrimoniales et mémoires des mathématiques
Le troisième axe de travail vise à analyser les fonctions et effets de la patrimonialisation sur les mathématiques. L’analyse des trajectoires patrimoniales de savoirs mathématiques particuliers (dans des dictionnaires, encyclopédies, mais aussi des collections de traités, des œuvres complètes, des journaux mathématiques) permettra de mettre au jour les modes de légitimation de ce qui constitue, dans un espace social donné, de « bons » savoirs et de « bonnes » pratiques, les réactualisations par l’usage que cette légitimation permet et les formes d’oubli qu’elle induit. L’examen des postérités des acteurs et actrices des mathématiques conduira à interroger les processus de construction de généalogies et de filiations, et le rôle des « figures mathématiciennes » dans la construction de valeurs et identités associées à ces sciences.
Axe transversal : humanités numériques
La question patrimoniale ne peut faire l’économie d’une réflexion sur les humanités numériques, comme outil de patrimonialisation mais aussi comme outil de recherche pour les travaux en SHS et comme outil de communication permettant à un large public d’avoir accès à une partie de plus en plus importante du patrimoine culturel et scientifique [Gefen 2015]. Un de nos objectifs est de tirer parti de ces possibilités, par la création et l’animation d’une plateforme numérique, afin de faire revivre et de faire connaître à un large public, notamment enseignant, des pans méconnus du patrimoine mathématique. En s’appuyant sur les technologies du web sémantique et des données liées [Bruneau et. al 2021], cette plateforme permettra de décrire sémantiquement un ou plusieurs corpus (par exemple les dictionnaires de mathématiques ou les manuels) et mettra ainsi en évidence la construction de patrimoines mathématiques et les dynamiques de longue durée dans lesquelles ils prennent sens. L’ingénieur(e) recruté(e) à la fin de la première année et pour trois ans travaillera à l’élaboration de la plateforme et au développement d’outils nécessaires à la recherche et à la valorisation. Le carnet de recherche s’adresse au public universitaire, aux étudiants en histoire des sciences et plus généralement à un public élargi, notamment enseignant.